Le cas de la petite Lobo, 8 ans, mutilée pour 250 FCFAEnviron 50 cas de filles victimes de mutilations génitales féminines (MGF) ont été signalés dans plusieurs villages du 5ème arrondissement de Niamey fin octobre. Aissatou Oumarou dite Lobo, 8 ans en classe de cours préparatoire à l'école Kosseye traditionnelle, est l'une des victimes.
Depuis deux ans, Aissatou Oumarou dite Lobo, teint clair, petite de taille, âgée de 8 ans, fréquente l'école primaire traditionnelle de Kosseye, à plus d'une demi-heure de marche de Modibaré, le hameau de sa famille. Ce hameau relève de Ganguel, village peul du 5ème arrondissement de Niamey situé à 7 km de la capitale qui s'étend sur un vaste plateau dunaire sur la rive droite du fleuve Niger. La beauté du paysage ne laisse personne insensible. Chaque jour, du lundi au vendredi, Aissatou Lobo fait quatre fois ce trajet vers l'une des deux écoles primaires où viennent étudier les enfants des hameaux environnants. Mais tout ceci s'est arrêté brusquement depuis.
Au lieu d'aller à l'école, le jeudi 6 novembre dernier, Aissatou dite Lobo a été à la maternité Issaka Gazobi pour subir des examens médicaux. L'expertise médicale effectuée sur l'écolière atteste une ablation totale du clitoris avec atteinte du méat urétral, appelé ''mutilation génitale de type2'' dans le jargon médical. En plus, Aissatou saigne encore car sa plaie ne s'est pas complètement cicatrisée.
''C'est sa maman qui est derrière tout ça. Elle n'écoute personne et elle est obstinée par l'idée que l'excision est une pratique ancestrale qu'elle avait elle-même subie. Elle raconte à qui veut l'entendre qu'elle a fait exciser sa fille pour respecter sa coutume'', raconte Aoudi, 26 ans, cousine d'Aissatou, assise sur une natte.
Depuis deux ans, Aissatou Oumarou dite Lobo, teint clair, petite de taille, âgée de 8 ans, fréquente l'école primaire traditionnelle de Kosseye, à plus d'une demi-heure de marche de Modibaré, le hameau de sa famille. Ce hameau relève de Ganguel, village peul du 5ème arrondissement de Niamey situé à 7 km de la capitale qui s'étend sur un vaste plateau dunaire sur la rive droite du fleuve Niger. La beauté du paysage ne laisse personne insensible. Chaque jour, du lundi au vendredi, Aissatou Lobo fait quatre fois ce trajet vers l'une des deux écoles primaires où viennent étudier les enfants des hameaux environnants. Mais tout ceci s'est arrêté brusquement depuis.
Au lieu d'aller à l'école, le jeudi 6 novembre dernier, Aissatou dite Lobo a été à la maternité Issaka Gazobi pour subir des examens médicaux. L'expertise médicale effectuée sur l'écolière atteste une ablation totale du clitoris avec atteinte du méat urétral, appelé ''mutilation génitale de type2'' dans le jargon médical. En plus, Aissatou saigne encore car sa plaie ne s'est pas complètement cicatrisée.
''C'est sa maman qui est derrière tout ça. Elle n'écoute personne et elle est obstinée par l'idée que l'excision est une pratique ancestrale qu'elle avait elle-même subie. Elle raconte à qui veut l'entendre qu'elle a fait exciser sa fille pour respecter sa coutume'', raconte Aoudi, 26 ans, cousine d'Aissatou, assise sur une natte.
Aoudi que nous avions rencontrée à Modibaré montre du doigt l'arbre sous lequel elle a été excisée, il y a de cela plus d'une dizaine d'années. En l'écoutant, c'est comme si c'était hier. ''Il faut que cela cesse, les temps ont changé. Il y a aussi le risque de contaminer les filles du virus de Sida'', explique Aoudi.
Dans la famille de Aissatou, tous ne sont pas favorables à l'excision. ''Je suis contre cette pratique. Ma fille a été excisée en mon absence. Sa maman n'écoute personne sur cette question. Je me suis même disputé avec elle lorsque j'ai appris que l'exciseuse est venue chez moi poser son acte'', raconte Oumarou Amadou, le père de Aissatou.
Amadou Hama, marabout, grand-père de Aissatou, regrette ce qui s'est passé. ''C'est vraiment une pratique traditionnelle à abandonner. L'Islam, notre religion, n'oblige personne à exciser sa fille. Je me suis toujours opposé à l'excision'', a-t-il dit avec une voix tremblante.
''J'imagine les souffrances de cette petite fille traumatisée qui a, à peine, huit ans. Ces pratiques néfastes d'un autre âge doivent être abandonnées''.
''Depuis son retour de la maternité, Aissatou ne vient plus à l'école. Elle est restée dans son hameau auprès de ses parents. C'est une élève assidue et calme qui participe au cours. J'imagine les souffrances de cette petite fille traumatisée qui a à peine huit ans. Ces pratiques néfastes d'un autre âge doivent être abandonnées. Ça me fait mal et c'est triste quand je pense à toutes les souffrances que vit cette fillette'', raconte madame Boubacar Aï Sani, la maîtresse de Aissatou Oumarou.
Aissatou a été emmenée à la maternité en compagnie de sa maman, des membres du Comité Nigérien sur les Pratiques Traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants (CONIPRAT), une ONG locale créée en 1994 et des éléments de la Brigade de la Police Nationale chargée de la protection des mineurs et des femmes.
En effet, CONIPRAT avait été alerté par les membres de sa brigade de vigilance concernant plusieurs cas d'excision dans huit villages et hameaux du 5ème arrondissement de Niamey, dont Modibaré, le hameau d'Aissatou.
Selon CONIPRAT, une cinquantaine de filles incluant Aissatou sont victimes de cette dernière vague d'excision dans le 5ème arrondissement. Depuis, CONIPRAT mène son enquête afin de rassembler toutes les preuves matérielles.
Des séquelles pour toute la vie
''J'avais 11 ans, lorsqu'une femme accompagnée de ma tante m'a attrapée et m'a trainée dans une case où se trouvait une autre vieille dame avec son couteau. Cette dernière me tira par les genoux... Les hurlements et cris que j'ai poussés me raisonnent encore aux oreilles'', témoigne Oumou, jeune femme peuhle de Kosseye, âgée de 36 ans, ménagère, mariée et mère de cinq enfants.« Je suis sûre que ce qu'a subi Aissatou va la poursuivre aussi toute sa vie. C'est un moment pénible et inoubliable, »raconte Oumou. La joie qui s'était lue sur son visage au début de l'entretien s'estvolatilisée quand elle serre les dents pour ajouter« Moi, personne ne va exciser mes filles. »
Même la sœur d'Aissatou qui partage la même classe qu'elle, est aussi traumatisée, témoigne Ibrahim Harouna, directeur de l'école primaire Kosseye traditionnelle, profondément touché. ''Il suffit de lui demander les nouvelles de sa sœur pour qu'elle éclate en sanglots. Je croyais que cette pratique était bannie à jamais, mais le cas de Aissatou nous dit tout sur les survivances de cette pratique néfaste'', regrette amèrement M. Harouna.
L'exciseuse qui a repris son couteau est arrêtée par la police Rakia Sorry, âgée d'environ 64 ans, est celle qui a coupé les organes génitaux de Aissatou pour une somme dérisoire comprise entre 250 et 500 FCFA, le prix pour chaque fille excisée. Cette dernière a été arrêtée par la Brigade de la Protection des mineurs et des femmes de la Police Nationale.
L'excision est un métier dans les communautés qui pratiquent les mutilations génitales féminines, et se transmet de mère en fille au sein d'une même famille. Le plus souvent, c'est une femme ménopausée qui l'exerce et fait de cette pratique une source de revenus, allant de village en village pour exciser des filles.
Le Niger dispose, depuis 2003, d'une loi contre les mutilations génitales féminines. Cette loi stipule à son article 232-1 ''que quiconque aura commis ou tenté de commettre une mutilation génitale féminine sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 20.000 à 200.000 francs. [...] Le ou les complices de ces délits seront punis de la même peine''.
''La loi doit être appliquée à ces criminelles d'exciseuses mais aussi aux parents des victimes qui sont complices'', déclare Abdoulaye Guiso, enseignant au 5ème arrondissement de Niamey. Dans ce genre de cas, les quelques personnes impliquées se retrouvent par la suite relaxées, ajoute M. Guiso qui déplore l'application de la législation qu'il trouve très laxiste.
Cette position est défendue par CONIPRAT. ''Nous demandons l'application de la loi dans toute sa rigueur'', soutient la présidente de CONIPRAT, Mme Maiga Amsou Amadou. A ce sujet, CONIPRAT a déjà déposé une plainte chez le Procureur contre l'exciseuse Rakia Sorry et les parents des victimes. C'est la 4ème plainte contre la même exciseuse depuis 2006. En effet, elle est une récidiviste, dont la dernière comparution devant un tribunal date d'avril 2011, et où elle a été condamnée à trois mois de prison assortie de sursis et 20.000 FCFA d'amende.
La brigade de la protection des mineurs et des femmes de la Police Nationale qui gère le dossier d'Aissatou projette, après obtention d'autorisation, une descente dans ces villages afin de chercher et d'amener les filles excisées à la maternité pour subir les examens médicaux.
L'excision entraine des séquelles médicales chez les femmes telles que les accouchements difficiles, un travail prolongé avec souvent une fistule obstétricale et des règles douloureuses, des rapports sexuels difficiles et le traumatisme psychologique qu'elles continueront à subir toute leur vie, dans le cas où elles y survivent, car cette pratique violente qui peut causer leur mort, comme le témoigne Madame Oumou de Kossey.
Alors, la question qui se pose est ''comment lutter contre cette pratique traditionnelle brutale qui viole les droits des filles''?
La lutte contre cette violence contre les filles et les femmes continue
Le problème ne se trouve pas dans les gros villages, mais dans les petits hameaux, au milieu des champs de cultures, souligne M. Ibrahim Harouna, directeur de l'école primaire Kossey traditionnelle où est inscrite Aissatou. ''Il faut faire le porte à porte pour sensibiliser davantage ces personnes qui refusent d'abandonner cette pratique qui viole la dignité et les droits des filles. L'Etat et les ONG doivent récompenser toute personne qui dénonce un cas d'excision''.
Ces villages du 5ème arrondissement de Niamey indexés sont à plus de 90% habités par des communautés peulhs chez qui la pratique de l'excision est très courante et où certains membres évoquent la pérennisation d'une pratique rituelle ancestrale.
En effet, l'Enquête Démographie et Santé (EDS) de 2012 a révélé qu'au Niger, même si le taux de MGF est passé de 4,5 % en 1998 à 2% en 2012, il existe de grandes différences entre les groupes ethniques en ce qui concerne les mutilations génitales féminines. Il est de 65,8% chez les Gourmantché, 12% chez les Peulh et 3,6% chez les Zarma.
''C'est un sentiment d'horreur que j'éprouve. Parce qu'il est inadmissible, au 21ème siècle, qu'on continue à exciser des filles et de surcroît dans la capitale''.
''C'est un sentiment d'horreur que j'éprouve. Parce qu'il est inadmissible au 21ème siècle qu'on continue à exciser des filles et de surcroît dans la capitale où on suppose que tout le monde est conscient du danger de ces pratiques néfastes'', s'indigne Issa Sadou, le chargé de Programme Genre et Droits humains à UNFPA Niger. ''Le cas survenu à Modibaré n'est que la partie visible de l'iceberg dans la zone. Nous devrons être plus que vigilants pour arriver à la tolérance zéro. Nous ne devons pas baisser la garde. L'Etat, la société civile, les ONG, les partenaires techniques et financiers, doivent trouver les moyens pour mettre fin aux mutilations génitales féminines'', conclut M. Sadou.
La représentante de l'UNFPA au Niger, Mme Monique Clesca, profondément choquée par cette violence exercée sur ces fillettes, s'est rendue le mardi 18 novembre à
l'école Kosseye traditionnelle pour une visite de compassion. Elle a rencontré le représentant du chef de village de Kosseye, M. Amadou Ali, en présence du directeur de l'école, M. Ibrahim Harouna.
''A Kosseye, nous avions été sensibilisés sur les dangers de l'excision depuis plusieurs années. Aujourd'hui, personne ne pratique cela ici. Mais nous avons entendu parler du cas de Modibaré qui ne relève pas de Kosseye. Et nous sommes prêts à dénoncer et remettre dans les mains des autorités toute personne qui ose exciser sa fille'', s'engage fortement Amadou Ali. Comme un médecin, il explique que ''l'excision n'est pas bon pour la santé. Les femmes excisées ont toujours des complications au cours des accouchements''.
''Il faut châtier ces exciseuses, mais aussi les personnes chez qui cette pratique sauvage continue toujours d'exister. Mes parents m'ont épargnée de cette torture, mais en tant que femme, je partage la douleur de Aissatou. C'est criminel. Dieu Seul sait combien elles sont les filles qui subissent en silence des mutilations génitales'', indique Merry, 33 ans, ménagère à Kossey.
Lutter contre l'excision, c'est remettre en cause des traditions familiales très ancrées depuis des décennies, selon la sociologue madame Aïchatou Boureima. C'est pourquoi cette lutte doit être continue afin de susciter le débat avec les communautés pour les convaincre à abandonner cette pratique ancestrale et néfaste.
Souleymane Saddi Maâzou pour UNFPA
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