''Il faut se concentrer sur les défis auxquels notre pays fait face, et préserver notre culture des mauvaises influences qui viennent d'ailleurs''
Bilal Keit est votre nom d'artiste. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous dire depuis quand vous vous êtes lancé dans la musique ?
Je m'appelle Seydou Moustapha Alpha Keita, et comme vous le dites, mon nom d'artiste est Bilal Keit. Je suis artiste reggae-man du Niger. J'ai débuté ma carrière dans les années 1988-1989 en tant que danseur dans le groupe ''Home Boys''. En 1995, j'ai entamé une carrière rap avec le groupe de rap ''Wangari'' ; juste après, je me suis retrouvé à ''Wass Wong''. De Wass Wong, je suis parti pour une carrière en solo en 2004.
Bilal Keit est votre nom d'artiste. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous dire depuis quand vous vous êtes lancé dans la musique ?
Je m'appelle Seydou Moustapha Alpha Keita, et comme vous le dites, mon nom d'artiste est Bilal Keit. Je suis artiste reggae-man du Niger. J'ai débuté ma carrière dans les années 1988-1989 en tant que danseur dans le groupe ''Home Boys''. En 1995, j'ai entamé une carrière rap avec le groupe de rap ''Wangari'' ; juste après, je me suis retrouvé à ''Wass Wong''. De Wass Wong, je suis parti pour une carrière en solo en 2004.
De danseur, est-ce qu'on peut savoir ce qui vous a poussé à prendre le micro pour chanter ?
La danse et la chanson, ce sont deux domaines qui se complètent en réalité. Il y a des artistes qui ont commencé par la danse et qui ont fini par être des artistes chanteurs ou musiciens. En 1995, on écoutait du rap américain, et un peu de rap français qui a commencé avec MC Solar dont les textes avaient beaucoup de sens. Personnellement, depuis que j'étais petit, j'aimais chanter ; je chantais très bien à l'école au point où j'étais premier du centre en chant. On dit que ''l'enfant est le père de l'homme'', donc c'est toute cette passion de l'enfance qui a fini par me rattraper. De la dance Hip-Hop, je suis allé au rap, et du rap, au reggae que j'ai toujours aimé.
Vous avez évolué pendant longtemps dans les groupes de rap avant de vous décider finalement à faire une carrière en solo. Pourquoi une telle option ?
Parce que, comme je vous le disais tantôt, mon enfance m'a rattrapé dans le sens où j'écoutais beaucoup du reggae quand j'étais petit, notamment les chansons de Bob Marley, puis celles d'Alpha Blondy. On était d'ailleurs tous émerveillés de voir un Africain qui peut nous faire accrocher à ce mouvement reggae. Et le fait de voir un Africain se débrouiller comme ça, c'était pour moi un motif de fierté. Nous sommes tous allés dans le sens d'Alpha Blondy ; et c'est là où j'ai développé encore plus mon amour pour le reggae. Et même dans Wass Wong, si vous écoutez bien le morceau ''Kimi fonda'', vous allez remarquer qu'il y a beaucoup d'aspects reggae dedans. C'était mon inspiration que j'ai voulu partager avec le groupe au moment où le groupe était au complet. Avec le temps, j'ai réellement compris que j'étais fait pour le reggae et je voulais jouer en live avec des musiciens. C'est donc le naturel qui a pris le dessus ; et je ne voulais pas imposer ça aux autres membres du groupe à l'époque où le groupe était vraiment au complet. Donc j'ai décidé d'aller en carrière solo, et cela d'autant plus que j'ai remarqué qu'au Niger, ce mouvement n'arrivait pas à avoir des ailes bien qu'on ait eu des artistes talentueux dans le domaine. On a eu la chance qu'à travers le rap, on a pu faire une révolution du mouvement Hip-hop, qui nous a permis d'avoir un grand public au Niger. Tout le monde était chaud, et tout le monde était bien embarqué dans le bateau. Je me suis dis que vu qu'il y a un public qui est accroché, je vais faire la promotion du reggae.
Vous avez débuté votre carrière solo en trombe, avec des morceaux comme ''Tari Yangué'', ''Talaka'' ou ''Fête au village''. Mais juste après ce démarrage, vous vous êtes vite éclipsé. Peut-on savoir les raisons de votre disparition de la scène musicale ?
La raison principale de cette retraite est ma relation avec Dieu. Nous vivons dans une société majoritairement musulmane, et je n'avais pas une compréhension assez approfondie de l'interprétation des versets du Coran. La spiritualité m'a beaucoup apporté, et m'a donné beaucoup de force. Elle m'a donné un esprit fort, et la foi. Grâce à Dieu, j'ai pu sortir de beaucoup d'embuscades qui m'ont été tendues. Cela peut arriver à tout le monde. Et j'ai compris que seul Dieu est là au moment où vous vous sentez seul. Et j'avais cette connexion là. Et pour cela j'étais prêt à sacrifier ce côté aritiste pour montrer ma gratitude à Dieu. Avec le temps, j'ai fini par comprendre que c'était une question d'interprétation. Tout dépend de la manière dont on utilise cette musique. Elle peut servir au diable, tout comme elle peut servir à faire du bien. Une fois qu'on l'utilise dans le sens de sensibiliser les gens, et d'apporter sa petite contribution à la société, je pense que l'art a une valeur.
Pendant votre retraite spirituelle, est-ce que vous aviez rompu avec le milieu de la musique, est-ce que vous aviez mis tout dans le placard, et où étiez-vous pendant tout ce temps ?
Oui, j'avais mis tout dans le placard. J'étais dans des milieux très modestes de notre société. J'ai pris le temps de connaitre le Coran, de cultiver ma spiritualité, et de comprendre l'interprétation de ce livre qui nous a apporté toutes ces grandes valeurs de notre société. Cela m'a permis aussi de savoir qu'il faut respecter toutes les religions, et de pouvoir vivre en harmonie ensemble, tel que nos grands parents l'ont fait et ont réussi à garder cette paix indispensable pour l'épanouissement de tout peuple.
Maintenant, vous êtes en train de faire un comeback musical. Il semble que vous étiez récemment au Mali. Quel est le motif de votre voyage?
Déjà à Londres, je savais que pour représenter son peuple, on a besoin de parler son langage. On a besoin d'être soi avant d'aller vers l'autre. Donc, il s'agissait de mettre en valeur notre originalité, les éléments de notre culture, et à travers le reggae, apporter une couleur originale de l'Afrique. Pour cela, j'avais besoin de revenir me ressourcer chez moi au Niger, puis au Mali, et en Afrique, partout où on peut trouver des éléments de musique qui peuvent transcrire notre culture, de sorte que les peuples qui ne nous connaissent pas puissent nous découvrir et apprécier notre apport culturel. Je suis revenu pour enregistrer un album, un album qui aura les couleurs africaines mixées avec des couleurs d'ailleurs. C'est un album qui comportera probablement dix (10) titres ; j'ai commencé un premier son en live, et j'ai enregistré ''Iné Iné''. Ce morceau évoque un problème social assez sérieux. Nous vivons dans une époque où nous devons nous départir de certaines tares. Nous devons nous concentrer sur des choses essentielles qui peuvent nous avancer au lieu de nous attarder sur des détails, la médisance par-ci par là...Nous devons trouver les formules adéquates pour que l'on puisse créer les conditions de notre développement et de notre épanouissement.
Vous envisagez, à l'issue de l'enregistrement de votre nouvel album, d'organiser un grand concert à Niamey. Quel est l'objectif que vous assignez à ce concert là ?
L'objectif de ce concert, c'est de renouer avec le public, mais surtout d'attirer l'attention de toutes les couches sociales de notre pays, sur l'importance de bien cohabiter ensemble, sur l'importance de bien préserver cette paix, sur l'importance de la parenté à plaisanterie, et tous ces facteurs de préservation de la paix que nous ont légués nos parents. Ce sont des instruments qu'on ne peut trouver nulle part ailleurs. Un autre objectif de ce concert, c'est d'attirer l'attention de la jeunesse sur les dangers qui viennent de l'extérieur ; il faut trier et prendre ce qui est bien pour nous.
C'est en somme une sorte d'appel à une culture de la paix ?
Oui, un appel à la culture de la paix et à la cohésion sociale. Il faut se concentrer sur les défis auxquels notre pays fait face, et préserver notre culture des mauvaises influences qui viennent d'ailleurs. Cela sous-entend qu'il faut bien éduquer nos enfants.
Vous qui avez pris du recul pendant quelques années, et qui avez séjourné hors du Niger, s'il vous était donné d'apprécier la musique nigérienne, que diriez-vous ?
Je dirais qu'il y a de l'évolution. Il y a des groupes qui sont en train de faire un bon travail et j'ai aussi compris qu'il y a des groupes qui véhiculent un message très positif. Par contre, il y a des groupes qui s'attardent sur des futilités, des tiraillements. Le Niger fait face à un certain nombre de défis sur lesquels tout Nigérien qui aime son pays doit cogiter, creuser sa matière grise et se demander quelles solutions il doit y apporter. On a plus le temps de s'insulter par rapport à ceci ou à cela. La société est pleine de sujets de débat auxquels nous devons chercher à apporter des solutions ensemble, en fonction de notre culture, de nos convictions, de notre réalité.
Un artiste, ce sont des œuvres, des œuvres qu'il faut protéger. Est-ce que vous pensez qu'au Niger les œuvres des artistes sont suffisamment protégés ?
Pour être franc avec vous, je dirai non ! Mais je sais aussi que cela n'est pas facile dans un pays où jusqu'à présent, la musique n'a pas pris un envol considérable pour donner aux acteurs sensés protéger les droits des artistes, assez de moyens. Je ne dis pas que le bureau des droits d'auteur ne fait pas son travail, mais je pense qu'il doit mettre plus de rigueur sur certains facteurs de sorte que quelqu'un ne puisse prendre l'œuvre d'un artiste et l'utiliser.
Pour conclure cet entretien, est-ce que vous avez un message particulier à l'endroit de vos fans, et des mélomanes nigériens en général ?
J'ai un message qui me tient à cœur. Ce message est basé sur l'éducation. Nous devons éduquer nos enfants de telle sorte qu'ils puissent éviter certains travers de la vie. Au Niger, nous avons une culture très décente. Mais je vois qu'aujourd'hui, il y a beaucoup de choses qu'on montre à la télévision qui ne peuvent qu'influencer négativement notre jeunesse. Et je dis à ces jeunes là de faire très attention par rapport à ce qu'ils voient à la télévision, et de ne pas oublier d'où ils viennent. Il ne faut pas penser que faire de la musique, c'est montrer des femmes nues, ou faire de la perversion. Combien d'artistes ont réussi leur carrière sans verser dans cela ? Il faut qu'on conserve ce sens de scrupules que nous avons, et il faut qu'on évite de faire de la perversion, car quand il y a la perversion, il y a l'immoralité. Nous devons préserver nos valeurs sociales à travers l'éducation des enfants pour leur assurer un futur radieux.
Oumarou Moussa
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