Lundi 10 juin 2013. La salle de spectacle du CCFN (Centre Culturel Franco-Nigérien) de Zinder accueille la quatrième conférence que ce centre, en collaboration avec UNICEF Niger, organise dans le cadre de la mise en œuvre de l’étude menée par UNICEF sur la violence dans les fadas et palais de jeunes de la ville de Zinder. Cette fois, c’est monsieur Hassanou Malam Sani, coordonnateur régional de Alternative Espace Citoyen, qui a animé cette conférence dont le thème est “ Rôle de la presse dans le cadre de la gestion et du règlement des conflits entre les jeunes. ”
“ La question de la violence en
milieu jeunes, notamment celle qui prévaut dans les palais et les fadas à
Zinder est une question de société. Au delà de Zinder, cette question de
violence constitue une préoccupation internationale. C’est pour cela qu’elle
suscite l’intérêt des médias ”. C’est par cette présentation générale
que le conférencier a tenu à introduire son sujet.
Pour entrer dans le vif
du sujet, monsieur Hassanou a tout d’abord présenté les sept axes principaux
qui constituent l’ossature de son intervention. Ce sont :
1-
contexte et cadrage de la
question.
2-
définition des concepts.
3-
rôle et responsabilité des
médias.
4-
médias et paysage politique au
Niger.
5-
interaction médias et groupes
cibles.
6-
attitude des médias face aux
conflits.
7-
contribution des médias dans la
résolution des conflits.
Dans le cadrage, le conférencier a situé le
problème de la violence dans les milieux jeunes. Celle-ci est urbaine. Elle
touche la frange de la jeunesse dont l’âge varie entre douze et trente ans. Les
enfants issus des milieux les plus défavorisés et vulnérables sont les plus
concernés par la question.
, Après cette présentation, il a fait une genèse des différentes démarches
qu’il a suivies pour aborder le sujet et qui reposent sur des observations
tirées des réalités du terrain local.
Le cadrage une fois établi, le conférencier,
qui a ensuite abordé le point relatif aux définitions, a expliqué simplement ce
qu’est un média. “ C’est une institution ou un moyen large de diffusion
de messages ”. Les médias utilisent plusieurs supports pour atteindre
leur objectif qui n’est autre que le public : message écrit ;
radiodiffusion ; télédiffusion ; projection cinématographique ;
internet.
Ce fut ensuite la
question essentielle des devoirs du journaliste, cet acteur qui est au cœur de
l’activité des médias, qui sera abordée. “ Ces devoirs, dira le
coordonnateur, sont directement
tirés des dispositions constitutionnelles et de la charte du journaliste dans
son préambule qui stipule : “ le
droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des
libertés fondamentales de tout être humain ; il est une composante de la
démocratie au Niger ”. Pour compléter
cela, il a évoqué l’article 3 relatif au droit du journaliste “ la
liberté d’opinion du journaliste s’exerce dans le respect du droit du public à
l’information. Dans tous les cas, l’exactitude des faits rapportés ou commentés
ne doit jamais être dénaturée par ses opinions personnelles ”.
Maintenant, quelles
informations le journaliste peut-il porter à la connaissance du public ?
Là dessus, deux grandes tendances se dégagent. “ La première école prône
que rien ne doit empêcher au journaliste de dire la vérité telle quelle. Les
raisons évoquées qui expliquent cette prise de position sont que le journaliste
n’est pas responsable des troubles qui surviennent. Mais ce sont plutôt les
fauteurs de troubles qui en sont directement responsables ”.
“ Pour ce qui est de la seconde
école, poursuivra-t-il, elle défend que le journaliste ne doit pas
divulguer des informations sensibles qui peuvent troubler l’ordre et la
quiétude sociale. La raison de cette prise de position est que toute action de
l’homme ne doit pas porter entorse à l’ordre public ”.
Des exemples pertinents
ont été cités à cet effet. L’affaire du détournement des fonds destinés aux
sinistrés d ‘Agadez en 2010 a défrayé la chronique. Un montant équivalent
à 6 millions de francs collecté par les populations de Zinder pour venir en
aide à leurs frères de la commune d’Agadez victimes des inondations avait été
mis à disposition du gouverneur de la région de Zinder Ce dernier, cependant,
contre toute attente, avait viré les 6 millions dans un compte particulier
considéré par l’opinion publique comme douteux. N’était la vigilance de la
presse qui a révélé toute l’affaire, ces fonds ne seraient certainement jamais
parvenus à leurs légitimes destinataires.
Un autre cas, tout récent, est celui du
recrutement des agents à la SORAZ. Qu’est-ce qui s’était passé ? Au lieu
de faire des recrutements de personnel dans la région où est installée la
SORAZ, dont, selon les textes, les populations locales sont prioritaires dans
le cadre précis du recrutement, les autorités s’étaient employées à faire venir
des Amis-Parents-et-Connaissance de Niamey pour les embaucher. Même les camions
qui étaient disponibles à Diffa, n’étaient pas loués et c’était de Niamey qu’on
louait ces camions. La divulgation de ces informations a certes amené des
troubles, mais cela a permis de régler la question en lui trouvant une solution
convenable pour toutes les parties concernées notamment les autochtones qui
sont rentrés dans leurs droits.
Mais, “ quels sont les rôles et les
responsabilités des médias ? ” demandera le conférencier.
Les médias ont plusieurs rôles à
assurer : informer ; sensibiliser ; distraire ; assurer la
socialisation ; être une tribune d’expression etc.
Les médias doivent éviter
les actions dites négatives. Ce sont entre autres : faire l’apologie de la
violence. Le cas de la Radio des mille collines au Rwanda a été évoqué. Cette
radio en effet a contribué à entretenir un climat de haine raciale qui a été à
la base du génocide Rwandais où plus de 2 millions de personnes ont été tuées.
La presse doit éviter la stigmatisation de groupes, de personnes etc et bannir
la création de sentiment de frustration chez des groupes ou des individus.
À titre d’illustration, le conférencier a
présenté quelques exemples fréquents de ces cas de stigmatisation qui sont
faits notamment à l’encontre des jeunes de palais ou des kabous kabous ou taxi
motos qui sont indexés très souvent à tort.
Parmi les actions négatives que les médias
doivent éviter, on citera aussi l’influence que les populations peuvent avoir
sur eux, qui conduit le plus souvent à se détourner du côté objectif de la
profession.
En parlant des médias et du paysage
politique, le conférencier a tenu à rappeler la situation des médias de l’état
d’exception à celui de l’avènement de la démocratie qui a permis aux hommes
politiques qui trouvaient que les médias d’État ne faisaient que la propagande
du pouvoir en place, de créer leurs propres organes de presse (radios,
journaux, télés).
Concernant la classification des médias,
monsieur Assanou a cité plusieurs catégories de médias : “ les
médias pro pouvoir, qui sont alignés sur les lignes éditoriales de
l’État ; les médias pro opposition qui soutiennent l’opposition
politique ; les médias engagés qui luttent pour l’émergence de la vérité
et du traitement équitable de l’information ; et les médias entreprise qui
ont vocation d’entreprise et qui cherchent vaille que vaille à générer des
bénéfices, et qui font du profit leur cheval de bataille plutôt que de
privilégier l’objectivité ”.
Et ces médias, dans la plupart des cas, ont
tendance à prendre position en fonction de leurs lieux d’exercice. Par exemple,
lors de la gouvernance de l’AFC, ou lors de la cohabitation, les objectifs
n’ont pas été les mêmes selon les régions dans lesquelles opèrent les médias.
Car l’engagement des populations oblige souvent les médias, surtout les médias
entreprise à prendre position en préférant caresser dans le sens du poil les
populations au lieu de les contrarier.
Quel est le rôle des médias face aux
conflits ?
“ Les médias ont souvent une
complicité active ou passive face aux manifestations. Cela occasionne la
censure. Surtout chez la presse publique qui tronque l’information. Quant aux
médias engagés, ils traitent l’information par rapport à leur engagement. Les
médias entreprises ont tendance à pencher du côté de leurs intérêts. Pour
gagner plus elles font de la pub à outrance pour avoir plus de consommateurs et
gagner plus d’argent. Ils ont tendance à prêcher dans la recherche du
sensationnel. Puisque leur but n’est pas
vraiment d’accompagner mais de tirer le plus de profit. Ce genre de média est
prêt à jeter de l’huile sur le feu en parlant le langage que les gens veulent
entendre ”.
Et le danger que peuvent
constituer les médias dans l’exercice de leurs fonctions se rencontre plus
souvent du côté des médias entreprises qui se retrouvent dans la mauvaise
situation où ils ne jouent plus les rôles traditionnels qu’ils sont censés
jouer. Au lieu qu’ils informent les populations, ce sont plutôt les populations
qui les informent, ce qui inverse les rôles. L’angle de traitement de
l’information est dans de telles conditions complètement perdu.
Le travail du journaliste, dans le cadre de
son activité de travailleur de média, est d’être dans des carcans dont l’un
d’entre eux est que le journaliste soit obligé de s’aligner sur la ligne
éditoriale de son employeur, ce qui a un impact sur son propre jugement et sa
propre opinion. Certains journalistes essaient de garder leur liberté au risque
de perdre leur emploi même souvent. D’autres préfèrent s’aligner, ce qui n’est
pas sans conséquence sur l’objectivité du traitement de l’information qu’ils
livrent au public.
Quelle peut être la contribution
des médias à la gestion et à la résolution des conflits ? Sur la question,
le conférencier estime que “ les médias doivent s’acquitter de la
mission traditionnelle qui est la leur : sensibiliser les jeunes en leur
apprenant les bonnes pratiques. Sensibiliser les décideurs pour qu’ils appuient
les jeunes. Donner la parole aux jeunes, étant donné que le manque de
communication reste un gros problème. Créer des émissions de plaidoyer en
faveur des jeunes durant lesquelles on ne va pas fustiger les comportements des
jeunes mais plutôt prendre en compte leurs problèmes ”.
En conclusion, le conférencier n’as pas
manqué de souligner que “ dans la région de Zinder les médias évoluent
dans un cadre très politisé. L’orientation des médias est lié à la mentalité
des populations cibles ce qui constitue un sérieux problème dans le traitement
équitable et équilibré de l’information ”.
Les débats qui se sont poursuivis après
l’exposé du conférencier ont été constructifs. Les intervenants ont tenu à
parler du traitement de l’information qui fait que la presse au Niger a tendance
à être une presse à sensation, et qu’elle préfère d’avantage parler de choses
négatives. Un intervenant, en homme du métier, et professionnel de média, qui
se trouve être le directeur de la radio Alternative a expliqué les raisons
d’une telle tendance. “ Une étude que nous avons eu à mener, a-t-il
expliqué, a laissé voir que lorsqu’on pose un lot de journaux, les lecteurs
à qui on laisse liberté de choisir le journal qui leur plaît ont tendance à
éviter les journaux de développement et choisissent dans le tas de journaux
dont le titre est à sensation ”. “ Cela, continuera-t-il
avec un peu de regret, est caractéristique chez le nigérien. Il veut du
sensationnel. Pourquoi ? Là est toute la question ”.
l’intervenant s’est beaucoup appesanti sur l’aspect de l’étique et de la déontologie
qui, a-t-il insisté là dessus, “ sont la base même du journalisme. Le
journaliste doit savoir faire un bon traitement des informations qu’il a
collectées. Il doit se mettre à l’esprit que toute information malveillante
qu’il livre au public se ligue tôt ou tard contre lui parce qu’il est aussi un
élément de sa société. Et la recherche du sensationnel et du scoop tue le
journalisme ”.
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